Retour à Dar Es Salam
Dar es Salam est un havre de paix au bord de l’Océan Indien. D’ailleurs son nom signifie “Maison de la paix” en arabe! Cette mégapole de près de 5 millions d’habitants est la principale ville historique et économique du pays. Elle était même sa capitale, avant que l’Etat tanzanien ne transfère les institutions administratives à Dodoma, à 500km de là. Elle a bénéficié depuis le XIXe siècle des innfluences successives de l’occupation arabe, puis allemande, puis britannique. La ville est plutôt plate, et s’étend jusqu’aux plages de l’Océan Indien. En face d’elle se tient l’île de Zanzibar.
Nous préparons la suite de notre périple
Nous voici attablés devant la mer, l’oeil distrait par le passage des dows, ces voiliers traditionnels arabes qui passent devant nous. Une grande carte du pays est dépliée, et nous analysons notre futur parcours en directions des sites miniers. La Tanzanie es un grand pays, mais surtout les distances sont rendues longues par la médiocrité du réseau routier. On s’y déplace souvent en jeep, et lentement!
Nous avons prévu de nous rendre au Sud du pays pour visiter les mines de Mahenge. Il s’agit de l’un des plus prestigieux gisements de spinelles roses intenses du monde, mis à jour dans les années 1970. Malgré cette popularité, l’accès s’effectue encore par une longue piste mal entretenue. Le voyage s’annonce donc long et fatiguant.
3h du matin: réveil difficile pour prendre la route
Nous passé 48h à préparer notre départ. L’avitaillement est effectué, avec une dose conséquente de barres chocolatées pour notre chauffeur gourmand comme un adolescent. La jeep a été inspectée de font en comble, lustrée, huilée, les jerricans sont remplis… Nous avons fait un stock de batteries, piles pour les torches, pris un panneau solaire. Quelques poules caquettent déjà à l’arrière du 4×4.
Lorsque le réveil sonne à 3h du matin, Dar se réveille déjà. Je suis surpris de la circulation à cette heure, d’ailleurs quelques embouteillages retardent notre sortie de la ville. En l’espace de quelques heures, nous avons quitté l’interminable zône péri-urbaine et nous entrons dans le vif du sujet: la brousse tanzanienne.
Quand la mécanique nous met des bâtons dans les roues
“Notre 4×4 est un peu vieux, mais c’est une machine increvable et parfaitement entretenue. Ils savent vraiment faire les bagnoles, ces japonais!”. Oui oui… mécanique de précision ou pas, au bout de 6h de route, un bruit étrange se fait entendre. Un bruit de roulement… Je ne suis pas mécanicien mais je sens que quelque chose n’est pas clair! Viennent les premiers arrêts pour “regarder”, puis on reprend la route sans grande conviction. Notre première étape doit être atteinte ce soir, et la route est longue!
Sauf que le matin suivant, le bruit n’a pas disparu. “On ferait quand même mieux de voir un garagiste avant d’être sur de la piste déserte” suggère-je. Après quelques minutes de tergiversation, nous voici arrêtés dans une petite ville au milieu de nulle part, où “des amis” vont jeter un coup d’oeil au moteur. Enfin quand ils reviendront du mariage où ils sont invités!
Méditation et voyage intérieur en pays de l’ennui
Nous voici donc dans un garage. Assis, à l’extérieur sous un vaste auvent, nous attendons. Une heure, puis deux, puis dix… Rarement je n’ai eu aussi distinctement la perception de la longueur du temps qui passe. Les étapes s’égrennent: l’examen de la voiture, le démontage en règle de toute la direction, le diagnostic, l’intermède “ils sont partis chercher la pièce”, le remontage, le nettoyage…puis l’examen de l’autre coté!!
Clairement, j’ai la sensation que nous allons dormir sur place. Le temps est comme figé. Lecture, cacahuètes, lecture, pipi, cacahuètes, tentative de sieste sur une chaise en plastique, cacahuètes. Sous cet auvent il fait environ 40 degrés. Les mouches nous assaillent, les moustiques aussi. Zéro souffle d’air, on cuit à l’étouffée. Je me demande vraiment ce que je fais là!
En fin d’après-midi nous reprenons la route, je n’ose y croire. Cette journée était tellement longue que j’ai la sensation d’être parti de Dar il y a une semaine. Histoire d’arriver à une étape de bivouac “convenable”, nous traçons à la nuit tombée sur une piste cahoteuse, le chauffeur pied au plancher. On arrive épuisés, je m’écroule sans demander mon reste.
Au bout d’une piste interminable: Mahenge
Les 3 jours de voyage se déroulent à peu près sans encombre hormis l’intermède mécanique du début. Nous traversons de vastes forêts, de la savane aride, des villes-rues le long des rares portions asphaltées. Puis vient la dernière étape: une piste, droite, poussiéreuse, truffée de nids de poules. A l’arrière du 4×4, c’est une lutte de chaque instant: accélérations, décélérations brutales, ornières, les corps secoués dans tous les sens pendant des heures. Les arrêts pipi sont une délivrance de quelques instants.
Découvrez nos gemmes
Et puis à la fin la piste se met à monter. Le paysage verdit tout à coup. La poussière se fait plus rare, et l’air se rafraichit. Nous arrivons au village de Mahenge, où dans les années 70 les premiers mineurs locaux ont mis à jour un des plus beaux gisements de spinelles roses du monde… Le père de mon ami Alex était alors de l’aventure, avec un vieux pick-up et une simple pioche.
Mise au vert
Quel plaisir que de prendre ses quartiers à Mahenge! la ville est construite à flanc d’une montagne verdoyante. Il y fait bon, on retrouve une atmosphère de gros village. Notre hôtel surplombe la vallée, de ma terrasse je prend un peu de repos en écoutant les bruits de la campagne. C’est un bonheur d’abandonner la voiture, au moins pour quelques heures!
Le lendemain, je retrouve les joies des formalités administratives locales. Comme à Merelani, nous devons montrer patte blanche, inutile d’imaginer nous rendre dans les mines incognito. Nous passons dans les différents bureaux, où il faut se présenter, palabrer, signer nombreux formulaires, et également se vendre un peu pour obtenir l’autorisation. Je serai donc “un riche investisseur venu de France dans le but de soutenir l’activité minière locale”! Plus c’est gros, plus ça fonctionne.
En face de nous, la vallée des spinelles. . Dans mon imaginaire, c’est l’endroit le plus mystique avec Mogok en Birmanie, la “vallée des rubis” racontée par Joseph Kessel. J’ai l’impression d’avoir atteint la terre promise.
Mathieu
En route vers la vallée des spinelles
Et voilà, nous retrouvons le 4×4. Les mines de Mahenge sont en vérité situées…à plusieurs heures de Mahenge! Il s’agit de gravir une montagne sur une piste boueuse et parfois franchement flippante. Le chauffeur est un expert, moi je me serais embourbé 20 fois… Je trouve surréel l’aptitude de ces engins à passer avec succès dans des endroits aussi improbables.
En haut de la montagne se dévoile enfin un panorama mythique pour les chasseurs de pierres précieuses. En face de nous, la vallée des spinelles… Dans mon imaginaire, c’est l’endroit le plus mystique avec Mogok en Birmanie, la “vallée des rubis” racontée par Joseph Kessel. J’ai l’impression d’avoir atteint la terre promise
Alors, ça produit ou pas?
Le long de cette vallée, les mines sont coupées du reste du monde. Même à la ville de Mahenge, dont elles dépendent, et où la production est acheminée, les gens ne sont guère capables de nous dire si à l’instant présent les gisements sont en activités et s’ils produisent. Sur zône, on trouve de petits campements en tôle et bois, où l’on mange, dîne, dort, se repose, et trie les pierres.
Il existe plusieurs concessions réparties dans la vallée. Les plus anciennes sont les plus proches du sommet, et ensuite on a creusé en descendant, en suivant la veine gemmifère. Quelques sites ont étés abandonnés, et rapidement la végétation tropicale a repris les dessus, camouflant l’action de l’homme. Il faut dire que l’exploitation minière se fait ici sans gros moyen mécanique, du fait de l’éloignement, et de la difficulté d’accès. Les veines de spinelles sont localisée dans leur roche-mère de beau marbre blanc, qui est fragmenté pour mettre à jour les gemmes.
Sur le principal site en activité, une quinzaine de mineurs s’affairent. La production est totalement aléatoire. Des histoires circulent, sur d’énormes bruts qui auraient été sortis les jours précédents, mais personne ne les as vu vraiment: ils auraient été acheminés de nuit vers une destination secrète. Les mineurs nous montrent quelques petits bruts récents, rien de très excitant. Ces gisements produisent les matières les plus fines mais en très très faible quantité. Parfois il se passe des mois sans trouvaille valable, il faut donc une trésorerie énorme pour pouvoir garder les mines en activité sur le long terme. Les mineurs ont un salaire fixe, et un intéressement selon la production. Il est également “toléré” qu’ils gardent certaines pierres pour eux-mêmes.
Une quête infructueuse
Cette fois-ci, nous n’aurons guère de chance près des mines. Nous passons quelques jours à Mahenge pour faire le tour des mineurs et vendeurs, à la recherches de bruts de qualité. Il n’y a que peu d’activité cette fois-ci, dame nature ne semble pas se montrer généreuse. On voit des gemmes médiocres, incluses, même si elles arborent le rose dense et profond caractéristique de cette région. Malheureusement nous ne trouvons rien susceptible de donner une gemme taillée de belle propreté. Las d’attendre la belle pierre, nous finissons par quitter la ville et quitter la ville. Mais notre périple en Tanzanie n’est pas terminé…